Jules Duesberg est le premier recteur à assurer 4 mandats successifs. Ses années de rectorat sont marquées par l'implantation au Val-Benoît en 1937, de la Faculté technique, devenue Faculté des Sciences appliquées, et surtout par la loi Nolf de 1929 qui, notamment, permet enfin aux universités d'adapter les programmes de cours à l'évolution des savoirs, sans devoir passer par le pouvoir législatif.

Duesberg

D’origine allemande du côté maternel, Jules Duesberg, né à Verviers le 29 septembre 1881, est issu d’une famille très aisée de la bourgeoisie catholique des milieux industriels verviétois. 

Il entame des études de médecine à l’Université de Liège en 1898 et devient docteur en médecine avec la plus grande distinction en juillet 1905. Après un premier séjour de recherche au laboratoire d’anatomie de l’Université de Kiel en Allemagne entre 1905 et 1906, il devient assistant d’histologie –  son principal secteur de recherche – à l’Université de Liège le 15 octobre 1906, et entame une brillante ascension universitaire. Après être devenu docteur spécial en sciences anatomiques en 1908, et chef des travaux anatomiques en 1909, il est chargé des cours d’Anatomie des régions en 1910 et des cours pratiques d’histologie en 1913-1914.

Pendant la guerre, qui  interrompt les activités de l’Université de Liège, Jules Duesberg poursuit sa formation scientifique aux États-Unis, en devenant Research Associate du département d’Embryologie de la Carnegie Institution à Baltimore entre 1915 et 1919.

Rentré au pays, il devient d’emblée professeur ordinaire dès 1919, à l’heure où l’Université de Liège se relève et doit remplacer 17 titulaires d’enseignement morts ou retraités durant la Grande Guerre. Il sera aussi chargé du cours d’Anatomie descriptive à partir de 1931.

Sa formation aux États-Unis lui a permis de saisir les enjeux d’une époque où la recherche scientifique, et son organisation, sont en pleine mutation. Dans la Belgique en situation de sortie de guerre, de nouveaux leviers scientifiques vont voir le jour, dans lesquels s’implique immédiatement Jules Duesberg, à savoir la Fondation universitaire dont il est membre du Conseil en 1923, et le Fonds National de la Recherche scientifique dont il devient aussi membre du Conseil en 1927, année où il est désigné recteur de l’Université de Liège. Il le restera durant quatre mandats, douze années, une longévité inédite, d’autant que le travail d’un recteur a évolué de manière telle qu’il est amené à inventer une nouvelle fonction.

Le recteur est désormais un pilier de la nouvelle politique scientifique en Belgique en matière de financement, en présidant, dans le cas de Duesberg, la gestion administrative de la Commission du Patrimoine de l’Université de Liège récemment créée pour accueillir les fonds américains reliquat de la Commission for Relief in Belgium, et en siégeant aux Conseils d’administration de la Fondation universitaire et du Fonds National de la Recherche Scientifique.

Son premier mandat de recteur couvre la période 1927-1930, un moment clé de l’évolution de la législation universitaire, avec la loi dite « Nolf » de 1929 sur la nomination des professeurs et sur la réforme des programmes d’enseignement. En ce qui concerne son action de recteur, si un mot devait être associé à ses efforts, c’est celui d’autonomie. Dans son premier discours rectoral en 1928, il donne le ton de sa gouvernance, la défense de l’autonomie financière de l’Université. Mais cette vision s’élargit aussi à la gouvernance de l’institution, qui doit se dégager des effets de la centralisation bruxelloise caractéristique de l’État unitaire belge. 

Il est sans doute aussi celui qui a eu cette intuition que l’institution universitaire était déjà en mutation pour devenir une communauté universitaire, par ricochet de l’évolution démocratique de la vie politique, communauté qui forme un ensemble avec des acteurs soucieux de leur identité respective, et agissant de concert pour le devenir de l’institution. Cette modernisation de la définition de communauté universitaire, y compris les acteurs en amont – les futurs étudiants – , et en aval,   – les déjà diplômés –, l’amène à créer en 1929 l’Association des Amis de l’Université de Liège, regroupant des générations de diplômés liés à jamais à leur Alma Mater. L’Association continue aujourd’hui ses activités, récompense par des prix annuels les jeunes scientifiques issus de l’Université de Liège et édite un bulletin trimestriel.

Duesberg ne néglige aucune portion de la population universitaire. Il s’implique auprès des autorités ministérielles à soulever le problème de la préparation aux études universitaires chez les élèves de l’enseignement moyen. Il veille à stabiliser la carrière des jeunes scientifiques, et à consolider le cadre des assistants, en particulier en Philosophie et Lettres et en Droit. Il cherche à améliorer le processus scientifique de nomination des professeurs, et la désignation des agrégés.

Sportif lui-même, joueur de tennis, Il défend la culture physique à l’Université et la pratique des sports dans la communauté universitaire. Au demeurant, en 1932, un Institut supérieur d’éducation physique est adossé à la Faculté de Médecine. Grand amateur de musique, il pratique, non sans talent, le piano. Homme très ouvert et courtois, d’une grande fermeté morale, il est sensible au rôle que l’Université devait jouer dans la cité, en toutes circonstances.

En 1939, avec d’autres acteurs liégeois, il s’implique dans la fameuse vente de Lucerne pour sauver des œuvres d’art des mains des nazis au profit de la Ville de Liège.

Le grand chantier de son rectorat sera l’implantation du nouveau site universitaire liégeois du Val Benoît, qui accueillera dans un cadre modernisé la nouvelle Faculté de Sciences appliquées en 1937.

Jules Duesberg est membre correspondant de l’Académie royale de Médecine en 1922 et membre titulaire en 1935. Il est aussi membre de nombreuses sociétés savantes et associations scientifiques, et porteur de multiples distinctions honorifiques.

Après plus d’une décennie de rectorat, Jules Duesberg deviendra ministre de l’Instruction publique, du 18 avril 1939 au 5 janvier 1940, dans le gouvernement d’Hubert Pierlot, et sera ensuite inspecteur-administrateur de l’Université de Liège à partir de 1943, jusqu'à son décès dans un accident de voiture le 12 juillet 1947.

 

On ne saurait se le dissimuler : les jeunes filles belges qui veulent actuellement faire des études universitaires sont encore très loin de se trouver dans des conditions d'égalité avec leurs camarades masculins. Actuellement, Bruxelles, Anvers, Gand et Morlanwelz sont seuls à avoir des lycées complets. Liège a une section d'athénée annexée à l'institut supérieur des demoiselles.

Marie Delcourt a obtenu son diplôme de philologie classique à l'Université de Liège en 1919. Elle sera la première femme chargée de cours, à partir de 1929, non rémunérée au début. Le milieu universitaire est alors très mysogyne. Contrairement à ses collègues masculins, elle n'a jamais pu avoir d'assistant, ni de bureau, mais un cagibi qu'elle partageait avec d'autres, dans le hall de l'université.

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Aller vers : Léon Graulich

Photo : Jules Duesberg, photographie, s.d., Musée Wittert ULiège, inv. 22238

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