Description de la recherche primée

La bioéconomie est un néologisme qui met le vivant au coeur d'un projet politique et économique. La bioéconomie voit la nature comme une ressource et la technologie comme la clé pour pouvoir l'exploiter. Ce concept est aujourd'hui au coeur de nombreux plans de politiques publiques à travers le monde qui visent à la commercialisation de ressources végétales, animales ou issues du corps humain. Ce travail propose une analyse sociotechnique de la bioéconomie agricole en tant que concept et projet politique en Argentine. En se concentrant sur l'étude de cas du soja génétiquement modifié (qui recouvre une superficie d'environ 25 millions d'hectares, principalement destinés aux marchés européens), Pierre Delvenne montre que la bioéconomie est au centre de luttes intenses pour repenser l'agriculture telle que nous la connaissions et la renommer "agro-industrie". Le chapitre explore ces développements comme preuve d’une tentative de rejeter l’idée que l’agriculture serait le fief réactionnaire d’une bourgeoisie arriérée, pour la considérer comme génératrice d’une avant-garde industrielle promettant la transcendance politico-économique. Cette recherche se termine par une enquête sur les nouvelles formes d’agribusiness « en réseau » qui constituent l’habitat de la bioéconomie actuelle en Argentine, et qui pourraient s'étendre à d'autres parties du monde.

Comment l'Université de Liège m'a-t-elle aidée pour cette recherche ?

J'ai entamé cette recherche dans le cadre d'un projet postdoctoral avec le FNRS (mandat de chargé de recherche FNRS), puis j'ai pu la poursuivre et l'approfondir dans le cadre du mandat de Chercheur qualifié FNRS que j'ai obtenu en 2014. Pour les besoins de ma collecte de données empiriques, avec le soutien scientifique et financier de l'Université de Liège, j'ai mené plusieurs séjours de recherche de longue durée qui ont nécessité d'aller à la rencontre de nombreux acteurs impliqués dans les décisions ou les controverses relatives au soja génétiquement modifié en Argentine. Par ailleurs, j'ai toujours pu bénéficier d'un encadrement scientifique interdisciplinaire extrêmement porteur, que cela soit dans mon centre de recherche (SPIRAL, Science politique) ou dans mon unité de recherche Facultaire, Cité.

Mes projets pour l'avenir

Etendre ma compréhension de la bioéconomie à d'autres secteurs d'activités que l'agriculture, en particulier ceux liés à l'exploitation des ressources du corps humain. Je viens d'obtenir un nouveau financement important pour un projet de recherche (2019-2023) sur les cellules souches, grâce auquel mon équipe et moi-même allons pouvoir analyser comment les matériaux biologiques et les produits biomédicaux sont devenus des sites clés d'accumulation de capital, porteurs d'énormes espoirs pour les nouvelles thérapies de santé et la croissance économique. Très peu d'attention scientifique a jusqu'ici été accordée au mouvement des tissus humains de la clinique vers le marché et les étapes successives pour "réaliser de la valeur". Ce projet visera à combler cette lacune.

Un conseil pour les futurs doctorants

Faire de la recherche, c'est travailler pour la société dans son ensemble. Le développement d'une société de la connaissance a plus que jamais besoin de l'appui des sciences humaines et sociales pour espérer que les projets de recherche et d'innovation soient menés selon des standards éthiques et politiques qui visent à bâtir un monde commun qui soit juste, solidaire et équitable. Ne laissez jamais personne vous dire que vos questionnements ne sont pas assez "productifs" parce qu'ils sont détachés de considérations liées à de la valorisation économique. Au gré des concepts qui vous accompagneront, ayez conscience du fait les analyses que vous mettrez au jour seront autant d'outils partagés pour mieux comprendre le monde et, par conséquent, pour espérer agir avec discernement et réflexivité.

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