Originaire de Clermont-Ferrand, en Auvergne, où il habite aujourd’hui, Jean-Pierre Chambon enseigne la linguistique romane et la littérature occitane à Paris IV-Sorbonne et dirige, en ce lieu, le Centre d’enseignement et de recherches d’oc (CEROC).

 

Responsabilités scientifiques

Peu après la soutenance de sa thèse, il est recruté, en 1980, comme rédacteur du monumental dictionnaire étymologique du français rédigé à Bâle, le Französisches Etymologisches Wörterbuch de Walther von Wartburg ; il en devient le directeur (1985-1992). Les objectifs atteints (entière « refonte » de la lettre A-, voulue et commencée par le maître, et publication des matériaux d’origine inconnue ou incertaine), le dictionnaire est déplacé de Bâle à Nancy et change de directeur. Dans l’intervalle, sous l’impulsion de Jean-Pierre Chambon, le FEW, tout en restant fidèle à sa ligne, s’est ouvert par l’intégration de matériaux linguistiques diversifiés et par le renouvellement des méthodes et des pratiques de travail, en particulier par l’accueil de jeunes chercheurs.

Revenu en France, Jean-Pierre Chambon est nommé professeur des Universités, à Strasbourg, à Montpellier, puis à Paris, où il enseigne depuis 2001. Il a formé des centaines d’étudiants à la linguistique historique du français, à la linguistique romane, à la dialectologie et à l’onomastique, à la linguistique et à la littérature occitanes. Les exposés de Jean-Pierre Chambon ont cette particularité : parfaitement construits et documentés, ils mettent l’étudiant, ou l’élève, en contact direct avec l’état de la science et avec la recherche qui se fait.

 

Thèmes de recherche

Jean-Pierre Chambon est, depuis quarante ans, un acteur essentiel de la recherche en linguistique et en philologie romanes. Située dans tous les champs de la romanistique, avec une focalisation particulière sur l’étymologie et l’histoire du lexique, son œuvre, couronnée par plusieurs prix prestigieux1, se caractérise par l’acuité et la nouveauté de la réflexion théorique et méthodologique, l’exhaustivité et la précision du fondement documentaire, la parfaite probité scientifique. Plus de 500 contributions majeures sont recensées dans le récent ouvrage qui lui a été offert par ses élèves et amis, sous l’égide de la Société de linguistique romane. Une sélection de ses travaux y est présentée dans les domaines de la linguistique historique, de la grammaire comparée et de l’étymologie, de l’épistémologie de la linguistique française et occitane, de la régionalité et de la variation lexicale, de la philologie et de la localisation des textes, de l’exégèse des textes modernes français et occitans, de la toponymie et de l’anthroponymie2. En lui dédiant le volume, Max Pfister, fondateur et directeur du Lessico etimologico italiano (LEI), héritier du FEW, a rangé Jean-Pierre Chambon parmi les « plus grands romanistes de notre époque ».

Le rayonnement scientifique de Jean-Pierre Chambon s’est exprimé et s’exprime dans plusieurs chantiers lexicographiques majeurs, qu’il a très fortement marqués de son empreinte, dont les principaux sont : le FEW déjà cité ; PatRom (Dictionnaire étymologique des noms de personnes romans, en cours) ; le DRF (Dictionnaire des régionalismes de France, 2001) ; le DAG (Dictionnaire de l’ancien gascon, en cours) ; le DÉRom (Dictionnaire étymologique des langues romanes, en cours), sans doute le chantier le plus innovant et le plus porteur des études romanes actuelles.

Ce rayonnement se traduit non seulement par des textes fondateurs, mais aussi dans le dialogue simple et direct, construisant, avec les chercheurs, une relation scientifique pérenne.
Le dialogue est aussi ce qui fonde la relation entre des disciplines connexes, qui ont besoin l’une de l’autre et s’éclairent mutuellement.

Jean-Pierre Chambon a construit, depuis ses premiers travaux, une démarche réflexive pénétrante sur les méthodes de la linguistique et de la philologie et sur la relation entre ces disciplines. L’un des traits saillants de ses recherches consiste dans le dialogue, argumenté et critique, institué entre la linguistique et la philologie, au bénéfice de l’une et l’autre disciplines (connaissance des états de langue et interprétation des textes). Le linguiste montre, par l’exemple, comment l’étude serrée de la langue des textes, aussi bien anciens que modernes, tout particulièrement l’étude du lexique, permet leur localisation dans l’espace et dans le temps, leur attribution à un auteur, l’interprétation de passages demeurés obscurs ou interprétés erronément, mais aussi l’exégèse globale du message délivré par le texte, démarches qui sont, ou qui devraient être, au cœur du travail philologique. L’interprétation vise aussi bien une charte latine où se décèlent des vocables romans, un texte ancien occitan aussi connu que Flamenca, plusieurs œuvres modernes aussi emblématiques que celles de Rimbaud ou de Jean Boudou.

C’est le « respect du texte et du sens ‘prévu et voulu’ par l’auteur », tel que l’entendait aussi le grand philologue italien Alberto Varvaro, qui est au centre de la réflexion et des pratiques qu’elle implique. C’est cette même visée qui institue le dialogue du linguiste qu’est Jean-Pierre Chambon avec l’histoire, puisque tout document (comme une charte ou un document comptable) est avant tout un texte, qu’il faut d’abord lire et comprendre à fond, en le sémantisant. L’identification des noms de lieux reste le terrain le plus fécond, et le lieu de débat le plus intense, entre les linguistes et les historiens qu’intéresse l’interprétation des textes. Il est aussi le lieu de rencontre avec les archéologues qui souhaitent relier ce que disent les textes et ce que nous apprend le terrain. Jean-Pierre Chambon nous montre le chemin de ces échanges, entre autres par son étude des noms de lieux de l’antique Augustonemetum.

 

Distinctions

  • Prix Albert Dauzat décerné par la Société de linguistique romane (1985)
  • Médaille de bronze du CNRS (1991)
  • Prix Honoré Chavée de l’Institut (2018)