Patrimoine immatériel

Saints Mamert, Pancrace et Servais apportent la glace

Les "saints de glace"


Dans Culture
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Les trois jours qu’on appelle encore aujourd’hui les «saints de glace» n’ont plus aucun lien avec la foi religieuse, mais cette croyance fait encore bien partie de notre patrimoine. Françoise Lempereur, spécialiste de la transmission du patrimoine immatériel, nous en donne quelques explications.

Quand on constate qu’un phénomène semble se répéter de manière plus ou moins régulière, la tentation est grande d’en faire une règle. La modélisation des données météorologiques a ainsi donné naissance à des dictons, des croyances et des pratiques partagées par une vaste communauté. De tout temps, les paysans de nos régions avaient observé un fléchissement des températures nocturnes autour de la mi-mai, avec un risque de gelée, notamment en Ardenne. Les almanachs anciens  - mais aujourd'hui encore certains calendriers -  mettaient les 11, 12 et 13 mai sous le patronage des saints Mamert, Pancrace et Servais. Nos ancêtres les ont donc baptisés « saints de glace ».

Bien que cette croyance ne repose sur aucune donnée scientifique, ni même statistique, on peut toutefois considérer que c’est autour de la mi-mai qu’ont lieu les dernières nuits froides de l’hiver, et donc les dernières gelées possibles. Aujourd’hui encore, en Wallonie et dans le nord de la France, on connaît cette appellation et bon nombre de jardiniers conseillent toujours de ne pas faire de plantations «avant les saints de glace ».

Comme pour toutes les fêtes liées à des saints ou saintes, ces patronages ne font cependant pas l'unanimité dans l'Église, malgré leur ancienneté : Mamert était évêque de Vienne en France au 5e siècle, Pancrace était un martyr romain de la fin du 3e siècle. Servais était évêque de Tongres au 4e siècle. Saint Mamert a ainsi complètement disparu du sanctoral officiel ; saint Pancrace n'est plus vénéré en Wallonie que dans l'église de Thumaide (Hainaut) et le nom de saint Servais est le seul encore connu par des chapelles, des statues et des prénoms.

On prête quelquefois à Mamert l’invention des « rogations », un rite agraire destiné à protéger les cultures. Pendant les trois jours qui précèdent l’Ascension, il y en avait dans tous les villages. Le prêtre conduisait une procession, pendant laquelle il bénissait les prés le premier jour, les champs le deuxième et les vergers le troisième jour. La procession s’arrêtait devant des croix de bois ou des chapelles et on priait pour qu’il n’y ait ni gelée, ni grêle, ni maladie dans les cultures. À la fin du 20e siècle, au moins une quinzaine de villages wallons organisaient encore des processions de rogations à travers champs, tandis que quelques autres les faisaient à l’intérieur de l’église.

D’autres saints sont liés aussi à des phénomènes météorologiques. Par exemple saint Médard, célébré le 8 juin, qu’on priait pour qu’il apporte la pluie. Des dictions qui le mentionnent circulent encore, comme « Quand il pleut à la Saint-Médard, il pleut 40 jours plus tard, sauf si saint Barnabé lui coupe le nez ».  Pour le beau temps, c’est à sainte Claire  qu’on s’adressait, en lui apportant des œufs. Tout récemment encore, les clarisses de Malonne (ordre religieux fondé par Sainte Claire) recevaient encore quelquefois des œufs, de la part de personnes qui espéraient du soleil pour un mariage, par exemple.

Ces croyances et traditions ont été très vivantes pendant de nombreux siècles. Elles font désormais partie du patrimoine culturel wallon.

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