Enquête

L’impact de la crise sur les étudiant·es ? Des données pour avancer


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Comment les étudiant·es du supérieur vivent-ils·elles la crise du Covid-19 ? L’enquête réalisée en ligne par les psychologues de l’UCLouvain, de l’ULB et de l’ULiège a rassemblé 25.000 étudiant·es. C’est la première enquête qui rassemble une proportion aussi importante de la population étudiante (Universités, Hautes Écoles, Instituts Supérieurs des Arts) en Belgique, soit plus de 10% de l’ensemble des étudiant·es.

EN BREF

  • 4 chercheurs et chercheuse de l’UCLouvain, l’ULB et l’ULiège ont interrogé 25 000 étudiant·es de l’enseignement supérieur, avec un objectif : connaître l’impact de la crise du covid-19 sur ces jeunes. L’étude a été réalisée sous l’impulsion de la Ministre de l’enseignement supérieur, Valérie Glatigny et subventionnée par la FWB
  • Résultats? Plus de la moitié des étudiant·es ont des symptômes d’anxiété et de dépression. Ils et elles se sentent isolé·es, souffrent de troubles du sommeil et de l’appétit . Ils perdent la motivation, le sens de ce qu’ils font, et  l’espoir en l’avenir
  • 1 étudiant sur 10 éprouve des difficultés à subvenir à ses besoins essentiels
  • Tous ont mobilisé un éventail de ressources et de stratégies pour faire face à la crise
  • Près de deux tiers estiment que leur institution a mis en place des aides pour ceux qui rencontrent des difficultés.
  • Ils respectent largement les mesures sanitaires et les ¾ sont prêts à effectuer des tests salivaires sur leurs campus.
  • Leurs priorités pour l’avenir ? Retrouver des contacts sociaux, les campus. Et poursuivre les dynamiques de solidarités qu’ils et elles ont mis en place durant la crise

Enquête : Impact de la crise sur les étudiant·es

« Durant la crise, les étudiants ne disposent pas des ressources habituelles pour faire face au stress et à la détresse »

Fabienne Glowacz, directrice de l’Unité de recherche ARCh et du service de Psychologie clinique de la délinquance de la Faculté de Psychologie à l’ULiège

 Lire l'interview de Fabienne Glowacz 


L

es étudiant·es ont été interrogé·es sur 4 aspects : les principales difficultés rencontrées, leur santé mentale, le respect des mesures sanitaires et les perspectives d’avenir. Les résultats sont préoccupants. La parole donnée aux étudiant·es dans l’enquête doit éclairer les orientations et décisions pour l’enseignement supérieur.

Santé mentale

Les taux élevés de symptômes avérés d’anxiété (50%) et de dépression (55%) mettent clairement en évidence les difficultés psychologiques auxquelles les étudiant·es de l’enseignement supérieur font face. Les étudiant·es de Bac 2 et 3 présentent les niveaux les plus élevés d’anxiété et de dépression.

Les résultats montrent également un sentiment d’isolement, de solitude et un manque de contacts sociaux chez les étudiant·es. De manière générale, ils et elles se déclarent satisfait·es de leurs relations familiales, amicales et amoureuses mais manifestent une insatisfaction marquée concernant leurs relations avec les autres étudiant·es et avec les enseignant·es.

Parmi les états émotionnels ressentis, un niveau élevé de colère est très présent. Un grand nombre indique souffrir de troubles du sommeil et de l’appétit. Une perte d’espoir en l’avenir est également fortement présente.

Respect des mesures sanitaires

Pour chaque comportement, on constate un suivi majoritaire des mesures même si certaines s’avèrent difficiles à appliquer. S’ils sont 2/3 à porter le masque à l’intérieur, en dehors de leur bulle, les chiffres descendent à 41% entre amis. Ils et elles travaillent autant que possible à la maison (83%) et respectent une distance de 1,50m hors domicile (65%). Ils et elles évitent les rassemblements dans les lieux publics (64%) et maintiennent leurs contacts via les réseaux sociaux (76%). Ces variations permettent d’identifier de façon précise sur quels aspects cibler les campagnes de prévention.

Les chiffres pour la vaccination sont plus bas (57% d’intentions favorables) que les chiffres du baromètre belge de la motivation. Cet écart souligne l’importance de mettre en place des campagnes de motivation et d’explication sur le vaccin et de tabler sur les tests salivaires qui sont beaucoup mieux acceptés (75% d’intentions favorables) dans la population étudiante.

Difficultés rencontrées

Un·e jeune sur dix se dit confronté·e à des difficultés pour subvenir à ses besoins essentiels. En plus d’un sentiment d’isolement au plan de l’enseignement (affectant 73%), d’autres difficultés psychologiques liées aux cours en ligne sont rapportées : un sentiment de fatigue mentale et physique (pour 82%), un manque de motivation (chez 81%) et des difficultés pour gérer le stress (pour 54%). Tout ceci mène à un sentiment de décrochage chez une majorité d’étudiant·es.

Perspectives d’avenir

Les priorités des jeunes sont les contacts sociaux et le retour sur les campus pour certaines activités liées à leur formation (par exemple, l’accès à des lieux d’étude).

La réouverture des salles et clubs de sport est également importante dans un plan de déconfinement. Plusieurs éléments ont permis aux étudiant·es de faire face à la pandémie, notamment les contacts avec la famille et les contacts à distance via les réseaux sociaux.

Une proportion importante d’étudiant·es (62%) dit avoir apprécié les aides proposées par leurs institutions.

Pour beaucoup, cette période aura été l’occasion de prendre conscience d’une série de réalités et de tirer des enseignements utiles, notamment en termes de dynamiques de solidarité et de soutien.


Pistes d’action

  • Proposer des accès aux espaces collectifs permettant la reprise des contacts sociaux entre étudiant·es tout en maintenant les gestes de protection et la sécurité́ sanitaire ;
  • Poursuivre le soutien aux structures d’aide aux étudiant·es dans les établissements tant au plan matériel, financier que psychologique. Si l’ensemble des étudiant·es sont en demande de propositions d’aides, de soutiens psychologiques, pédagogiques et motivationnels, une attention particulière est requise pour les étudiant·es de bachelier ;
  • Proposer de nouvelles formes de soutien aux étudiant·es au sein des établissements (consultations individuelles et groupales, séances de relaxation, méditation...) ;
  • Encourager le déploiement de supports innovants favorisant les interactions entre le personnel encadrant et les étudiant·es ;
  • Accompagner les dispositifs de relance progressive des activités d’enseignement par un renforcement des campagnes de motivation et d’explication concernant la vaccination et ses conséquences et par un suivi en matière de testing et de tracing ;
  • Poursuivre le rappel des mesures sanitaires. Via l’utilisation de messages motivants, de visuels clairs, de techniques facilitant l’accès et le rappel des mesures (“nudging”).

Les étudiant·es s'expriment...

Sélection de commentaires d’étudiant·es ayant participé à l’enquête (l’orthographe n’est volontairement pas revue).

Difficultés rencontrées

« … La seule chose que je demande c’est de retrouver nos auditoires. Commencer ses études tout seul devant son ordinateur est une épreuve insoutenable... On n’a pas eu le temps de créer des liens avec les autres étudiants, on n’a jamais connu de vie sur un campus, ... »

« Les cours nous prennent trop de temps et nous empêchent de vivre. Rester des heures dernière nos écrans nos yeux fatiguent, la dose de travail est énorme car les professeurs ne tiennent pas compte que l'on a une vie, que l'on doit s'organiser »

« Même avec une bourse d'étude il est impossible de subvenir à ses besoins (loyer, courses) si on a perdu son job étudiant. Sans compter que lorsqu'on demande une bourse à l'école ou au CPAS, ceux-ci font pression pour qu'on arrête nos études. »

Santé mentale

« Je suis triste et je pleure quasiment tous les jours »

« … Je n’ai plus envie de me lever, je n’ai pratiquement pas de motivation à suivre les cours en ligne alors que j’adore en temps normal écouter mes cours car ils me passionnent. Tout et tout le monde m’énerve, j’ai envie de pleurer tout le temps. […] Je ne vois même plus l’intérêt de vivre si nous ne sommes plus libres de rien »

« Je suis en complète dépression.»

« J’ai super bien réussi mes examens en janvier mais depuis c’est la catastrophe, je suis en décrochage total et déprime complètement. J’ai l’impression d’avoir usé toutes mes ressources, je me sens épuisé et vide, plus rien ne m’intéresse / n’a de sens, je ne me sens pas du tout entendu ... »

Mesures sanitaires

« J'ai décidé de vivre "comme ci" le COVID n'était pas si dangereux. Voir les amis le week-end est quelque chose dont j'ai besoin pour garder une motivation minimum pour avancer dans la vie et les études. A quoi bon faire tout ça si c’est pour rester enfermé ? »

« Tant qu'on n’a pas de preuve qu'un vaccin diminue la propagation du virus et qu'on ne laisse pas les vaccinés vivre leur vie normalement, je ne vois simplement pas l'intérêt de me faire vacciner. »

Perspectives et apprentissages

« A la fin de cette pandémie, je veux que les universités organisent plusieurs activités et suivre des démarches pour nous aider à trouver notre vie sociale et psychique normale. »

« … au moins de garder l'option des cours en ligne pour les étudiants qui font attention à cause de contacts rapprochés avec leur famille ou autre serait le minimum. »

« Selon moi, le COVID nous aura tout de même permis de revoir nos priorités et je me suis rendu compte, que prendre du temps pour moi et passer des moments avec mes proches (familles-amis) sont des choses essentielles à ma vie. J'aurai envie d'en faire une priorité avant mes études. »


Contacts

Fabienne Glowacz, professeure de psychologie clinique à l’ULiège

Olivier Klein, professeur de psychologie sociale à l’ULB

Olivier Luminet, professeur de psychologie de la santé à l’UCLouvain

Vincent Yzerbyt, professeur de psychologie sociale à l’UCLouvain

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