Communiqué de presse

Une Chaire UNESCO est créée à l’ULiège

Pour une science ouverte ! Les humanités au carrefour de l’interdisciplinarité


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La Chaire UNESCO créée par l’ULiège porte sur le processus de création et le rôle des connaissances scientifiques dans des sociétés traversées par des enjeux majeurs comme le changement climatique, les migrations, les inégalités ou la fracture démocratique.

Initiée par le Pr Jean Winand, égyptologue et Premier Vice-recteur de l’ULiège, la Chaire UNESCO relève du domaine des Humanités, conformément aux recommandations adoptées lors de la Conférence Mondiale de Humanités, qui s’est tenue à Liège en août 2017 en partenariat avec l’UNESCO, le Conseil International pour la Philosophie et les Sciences Humaines, la Province et la Ville de Liège.

Dans sa déclaration finale, la Conférence reconnaissait en effet « que les humanités ont une compétence et une responsabilité spécifiques dans la promotion de la liberté, de la diversité et de la transparence qui sont fondamentales pour la vie en société, tout en soulignant le rôle irremplaçable des humanités pour une approche critique des valeurs et pour une compréhension des processus de long terme. »

Le thème de la Chaire UNESCO de l’ULiège concerne la construction, la validation et la dissémination des savoirs, avec une attention particulière portée à la conservation, à l’accessibilité et à l’exploitation interdisciplinaire des sources premières, quelles qu’elles soient (écrits, sites, objets, matières, images et sons,…). « La matérialité de ces sources est indissociable de la création d’un savoir vérifiable. En ce sens, c’est cette matérialité – dans une société numérique largement dématérialisée - qui permet d’établir un rapport à la vérité, une condition dont nous avons besoin dans un monde où la relation à la vérité est perturbée par les ‘fake news’ et les ‘vérités alternatives’ », explique Jean Winand, qui a donné ce 26 octobre la leçon inaugurale de la Chaire UNESCO de l’ULiège, intitulée « Pour une science ouverte ! Les humanités au carrefour de l’interdisciplinarité­ ».

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Introduction du Pr Pierre Wolper

Séance inaugurale de la Chaire UNESCO à l’ULiège

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Leçon inaugurale par le Pr Jean Winand

Leçon inaugurale « Pour une science ouverte ! Les humanités au carrefour de l’interdisciplinarité » par le professeur Jean Winand, Premier Vice-recteur de l’Université de Liège.

  

L’ULiège participe désormais au réseau des 760 Chaires UNESCO créées depuis 2002 dans 700 établissements d’enseignement supérieur et de recherche à travers 114 pays. C’est la première chaire UNESCO reconnue au sein de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Ce réseau mondial a pour but de renforcer les collaborations et le partage des connaissances entre les universités et les centres de recherches dans des domaines liés aux objectifs de l’UNESCO : l’éducation, la culture, les sciences sociales et humaines, les sciences naturelles, la communication et l’information. 

À l’occasion de l’inauguration de la Chaire à l’ULiège, Angela Melo, directrice de la Division Politiques et Programmes de l’UNESCO, a souligné combien la thématique de la chaire liégeoise s’inscrivait dans les priorités de l’Organisation des Nations Unies pour l’Éducation, la Science et la Culture. « Les défis du 21e siècle font appel aux humanités. Elles rencontrent pourtant des difficultés à travers le monde, et leur effacement fait peser le risque d’un phénomène d’acculturation.»

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Intervention d'Angela Melo, Directrice de la Division Politiques et Programmes à l'UNESCO

Séance inaugurale de la Chaire UNESCO à l’Université de Liège.

  

Le programme des Chaires UNESCO privilégie les partenariats avec les institutions publiques et les acteurs locaux, et vise également à développer les collaborations Nord-Sud.

La Chaire UNESCO de l’ULiège rassemble ainsi des partenaires comme la Ville de Liège, la Province de Liège, le Théâtre de Liège, le Pôle muséal et culturel de l’ULiège, la Maison des Sciences de l’Homme de Liège, le FNRS, l’Université de Kinshasa et l’ERAIFT à Kinshasa (École Régionale Postuniversitaire d'Aménagement et de Gestion intégrés des Forêts et Territoires tropicaux, placée sous l’égide de l’UNESCO).

Intervention D'Edgar Morin  
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Défense des Humanités
Pour l’inauguration de la Chaire Unesco
Pour une science ouverte ! Les humanités au carrefour de l’interdisciplinarité

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Cliquer ici pour lire l'intervention

À Monsieur le Professeur Pierre Wolper, Recteur de l’université de Liège
À Monsieur le Professeur Jean Winand, Premier Vice-recteur de l’université de Liège
À Madame Angela Melo, directrice de la division Politiques et Programmes à l’Unesco
À toutes celles et ceux qui ont œuvré à la naissance de cette chaire Unesco que j’accompagne de mes voeux

Je suis non seulement honoré, mais aussi particulièrement heureux de vous adresser un message de « Parrain » à l’occasion de l’inauguration de la Chaire Unesco de l’université de Liège
Pour une science ouverte ! Les humanités au carrefour de l’interdisciplinarité

Pourquoi Heureux ? Parce que votre invitation me permet, grâce à vous, de renouveler ici ce qui est ma conviction profonde, à savoir l’importance accrue que doivent prendre les Humanités, alors même que domine une conception du savoir qui tend à les réduire à une sorte de luxe intellectuel. Ce qui fait qu’on s’autorise à en réduire l’enseignement au profit des sciences dotées de la rigueur du calcul, et des techniques dotées de l’efficacité pratique.
Cette conception obéit à l’idée que l’Université doit adapter sa culture aux besoins immédiats de la société, alors que la Mission de l’Université est, plus fondamentalement, d’adapter la société à la culture.

Cette culture, celle des Humanités, est une culture transhistorique dont les auteurs et les œuvres traversent le temps, les époques, les sociétés, et dont les vertus sont pourtant à chaque fois et à nouveau actuelles. Songez qu’Héraclite, Empédocle, Platon, Aristote, restent actuels comme le restent Homère et Euripide ; que tous les grands poètes et écrivains du XIXème siècle restent vivants, alors que toutes les théories scientifiques du XIX ème siècle ont été abandonnées, sauf celle de l’évolution et celle de la thermodynamique, qui du reste ont été depuis très profondément amendées.
Loin de moi l’idée de dévaluer la culture scientifique. J’ai toujours pensé que ses grands acquis concernant l’univers et
la vie devraient être intégrés dans la culture des humanités, non seulement parce que nous sommes dans cet univers physique et dans le monde de la vie, mais aussi parce que l’univers physique et le monde de la vie sont en nous.
Dans cette intégration entre culture scientifique et culture des Humanités que j’appelle de mes vœux, la culture des humanités apporterait quelque chose qui lui est propre, mais qui est pourtant absente de l’hyperspécialisation scientifique : je veux parler de la réflexivité.

Rappelons que c’est un philosophe, mathématicien et astronome, le marquis Pierre-Simon de Laplace, qui a discerné un trou noir gigantesque au sein de la culture scientifique. Husserl dans sa conférence sur la crise de la science européenne, a montré que si lucide et ingénieuse soit la science dans sa recherche d’objectivité, elle est aveugle sur la subjectivité, y compris sur celle du scientifique lui-même, et elle ne dispose pas des moyens pour prendre conscience et contrôler les énormes pouvoirs qu’a produit la science contemporaine.

Alors que les sciences éclairent bien des zones obscures à nos esprits, la philosophie elle, avec l’aide de l’histoire et de la sociologie, permet d’éclairer les zones obscures de la science.

Je voudrais dire aussi que le roman, le théâtre, le cinéma ne nous donnent pas seulement des émotions esthétiques lesquelles constituent une part de la qualité poétique de nos vies ; ces émotions nous donnent une connaissance du monde humain que ne peuvent apporter ni la sociologie ni la psychologie, parce qu’elles font vivre des individus concrets, dans des milieux concrets, avec toute leur subjectivité.
La littérature a d’ailleurs cette vertu d’être à la fois moyen de connaissance et fin émotionnelle esthétique.

Du reste le professeur en neurosciences, en psychologie, et en philosophie, Antonio Damasio, a montré que l’émotion est inséparable d’une activité rationnelle de l’esprit. Mieux : elle contribue à transmettre une connaissance. Eisenstein disait en parlant de ses films qu’il voulait que des images donnent des sentiments, lesquels eux suscitent des idées.
Ainsi la poésie nous donne une émotion propre qui exalte nos êtres. Or cette capacité à donner une émotion poétique imbibe la musique, la littérature, la peinture, tous les arts. Cette émotion esthétique fait partie de la qualité poétique de la vie qui nous fait résister à la domination du calcul prosaïque et de l’intérêt égoïste, présents dans la vie quotidienne ; c’est elle qui nous donne ferveur, intensité, communion.

J’en viens rapidement aux sciences humaines. Toutes leurs prétentions à la scientificité, construites sur le modèle de l’ancienne physique déterministe, ont été vaines. Ces sciences humaines ont non seulement une complexité propre aux réalités humaines, mais également une problématique particulière puisque les chercheurs en sciences humaines sont des humains travaillant sur des humains, d’où la nécessité d’auto-examen et de réflexivité permanents. Elles comportent une part d‘essayisme inéluctable.

Elles font donc à la fois partie de la culture scientifique et de la Culture des humanités, et ce double visage est leur richesse.
Les sciences humaines me semblent avoir pour mission de révéler les complexités humaines, lesquelles sont spécifiques mais occultées par la disjonction entre les disciplines. Elles ont aussi pour mission de réviser quelques-uns des concepts maitres comme celui du développement.

Je ne veux pas ici prolonger un discours que je pourrais amplifier en une autre occasion. J’ai tenté de vous dire pourquoi dans chaque université il faudrait consacrer une chaire à la compréhension humaine en intégrant l’apport de la culture scientifique à celui des sciences humaines, des arts et des médias. L’ouverture de cette chaire au sein de l’université de Liège aura ainsi pour défi de construire des biens cognitifs communs nécessaires pour une future société-monde, car tout ce qui ignore ou dédaigne les Humanités relève de la barbarie intellectuelle.


Edgar Morin

 

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Intervention de Monique Peyrière, collaboratrice d'Egdard Morin

Séance inaugurale de la Chaire UNESCO à l’ULiège.

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