Victor Thiry
Victor Thiry est nommé recteur en 1873, puis en 1876 pour un second terme de 3 ans. Le 20 mai 1876, une loi abolit les jurys combinés, ce sont les facultés qui confèrent désormais les grades académiques et diplômes. Cette loi permet de nouveau à tous, sans diplôme préalable, d'accéder aux études universitaires. Et pour la première fois, des assistants sont nommés, d'abord en faculté des Sciences.
Entré à l’université de Liège en 1845 comme agrégé chargé du cours libre d'histoire du droit coutumier, le juriste Victor Thiry (1817-1889) y enseigne ensuite le droit civil élémentaire et, dès 1849, occupe jusqu’à son décès les chaires de droit commercial et de droit civil approfondi.
Durant deux mandats successifs, le recteur Thiry participe activement au renouveau de la vie universitaire en Belgique. Au début de son rectorat, il se montre sensible aux critiques émises à l’encontre de l’enseignement dispensé dans les universités de l’État, qui font pâle figure aux côtés de leurs prestigieuses homologues allemandes. Toutes les facultés aspirent au changement : élaboration de nouveaux programmes, introduction de cours pratiques, achat de matériels, agrandissement des locaux… Thiry y travaille intensément et contribue à la préparation de la loi du 20 mai 1876 qui « confère à toutes les facultés…] le droit de délivrer les diplômes académiques, […] ouvre toutes grandes les portes de l’Université en dispensant les jeunes gens de l’obligation de produire un certificat d’humanités, […] modifie certains programmes, créant un certain nombre de cours nouveaux […] et introduisant des exercices et des épreuves pratiques… » (P. Harsin, Liber memorialis, 1936, I, p. 43).
Thiry a dès lors à gérer un afflux de nouveaux étudiants et, donc, à songer à l’aménagement des espaces : la construction des nouveaux Instituts en plusieurs endroits de la ville sera ainsi l’un de ses principaux projets. C’est aussi sous son rectorat que s’ouvre le débat relatif à l’accès des femmes « à l’art de guérir » – le gouvernement interroge les universités de Gand et de Liège sur le sujet – et donc à leurs possibilités/capacités à suivre une formation adaptée, dans ou près des universités (1875).
Marie-Élisabeth Henneau, De l'arrivée des femmes à l'Université de Liège à la fin du XIXe siècle, dans . Dor, C. Gavray et M. Jaminon (dir), Où sont les femmes ? La féminisation à l'Université de Liège, Presses universitaires de Liège, 2017, p.26
Mr Trasenster croit que, généralement en Belgique, on est trop porté à rabaisser la valeur intellectuelle de la femme et à trop restreindre sous ce rapport, le rôle qu’elle a à remplir dans la société. C’est ainsi qu’on a fait la loi sur l’instruction primaire sans s’occuper ni des écoles de filles, ni des écoles normales pour former des institutrices. C’est ainsi encore qu’il n’existe pas un seul établissement de l’État pour l’instruction moyenne des filles ; que le législateur ne s’en est même pas préoccupé […] Pour la médecine même, elles pratiquent, et avec éclat, aux États Unis ; en Russie, il y a une Académie pour former des femmes au doctorat en médecine ; enfin, à Paris, les cours de la faculté de médecine sont suivis par de jeunes personnes, et cela ne présente pas le moindre inconvénient, d’après ce que disait encore récemment le Doyen de cette faculté. Les femmes se distinguent même par leur intelligence et le succès de leurs études et les rapports avec les étudiants sont de la plus parfaite convenance […] Mr Trasenster tient à affirmer les droits des femmes à l’instruction, la dignité de sa nature intellectuelle, et à saisir cette occasion de protester contre l’espèce d’oubli dans lequel les pouvoirs publics ont laissé l’instruction des jeunes filles.tient à affirmer les droits des femmes à l’instruction, la dignité de sa nature intellectuelle, et à saisir cette occasion de protester contre l’espèce d’oubli dans lequel les pouvoirs publics ont laissé l’instruction des jeunes filles.
Extrait du procès verbal du Consel académique du 14 avril 1875, Archives de l’Université de Liège, Secrétariat central, n° 124.
Le conseil académique devait répondre au ministre de l'intérieur qui l'interrogeait sur la possibilité que les femmes soient admises à pratiquer la médecine. Il votera finalement oui, par 14 voix pour, 10 contre et 3 abstentions. Dans les autres universités, on tergiverse. Gand préfère attendre de voir comment les choses vont se passer dans les autres pays, l'université catholique de Louvain ne s'intéresse pas encore au sujet, quant à l'université libre de Bruxelles, elle refuse à une jeune femme de suivre les cours de sciences naturelles...
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Illustration :Lambert Salme, À Monsieur V. Thiry, Professeur ordinaire à l'Université de Liège, lithographie, 1866, Musée Wittert ULiège,inv.2953.